Weeknote 2025 #2

Beaucoup d'actus ces derniers jours. Je passe sur les soupçons de tricherie de M*sk à Path of Exile 2 ou les revirements de Zuckerberg sur la pseudo liberté d'expression et la modération. Tout à déjà été dit sur le sujet et l'actu sur les grandes plates-formes devient fatigante.

Réseaux sociaux décentralisés

Ça bouge pas mal. L'initiative FreeOurFeeds lance une campagne de financement pour lancer une fondation qui permette de garantir que le protocole AT soit « résistant aux milliardaires » et mettre à disposition une autre instance de BlueSky.

L'initiative est soutenue par des personnalités importantes comme Jimmy Wales, Shoshana Zuboff (le capitalisme de surveillance), Audrey Tang (ancienne ministre du numérique à Taiwan), Carole Cadwalladr (journaliste à l'origine de révélations sur Cambridge Analytica), @chavalarias@mastodon.social, @soriano@piaille.fr, etc

Le même jour, Mastodon annonce la création d' une entité européenne non-profit.

Simply, we are going to transfer ownership of key Mastodon ecosystem and platform components (including name and copyrights, among other assets) to a new non-profit organization, affirming the intent that Mastodon should not be owned or controlled by a single individual.

Et cherche à augmenter son budget à 5 millions d'euros annuels.

We need to grow our annual operating budget to €5 million in 2025. With these additional funds we will grow our team, invest in our community’s safety, and keep building the world’s most free and open social network — the Fediverse. To put it simply, every donation we receive will be put back into enriching the Mastodon software ecosystem and community.

Pendant ce temps, la pétition pour que le gouvernement cesse d'utiliser X n'avance pas beaucoup (1600 signatures) : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-2610

Stefan Zweig, Roland Barthes, Donald Trump et... Melenchon

Peut on déléguer les sciences sociales à ChatGPT ?

La dernière étude de Yann Algan, Thomas Renault et Hugo Subtil publiée par @Cepremap@sciences.social me laisse particulièrement perplexe.

À partir du corpus des interventions orales à l'assemblée nationale entre 2007 et 2024, ils tirent des conclusions sur la montée de la « fièvre », la place croissante des émotions au détriment de « la raison » (sic), l'influence des réseaux sociaux sur la théatralité des députés (tiktokisation de la vie politique), etc. Évidemment l'analyse pointe du doigt La France insoumise et le rajeunissement des députés (sic).

Le problème, c'est que la méthodologie est hyper light.

Pour distinguer le rationnel de l'émotionnel, les auteurs se contentent d'un simple prompt à ChatGPT.

« Intervention politique assemblée nationale {{Contenu de l’intervention ici}} . Discours rationnel (appel à la logique et aux faits) ou émotionnel (appel aux sentiments et aux affects) ? Répondre uniquement parmi [‘rationnel’,’émotionnel’]. »

Dans la note du CEPREMAP, je ne vois aucun effort de définition conceptuelle de ce qu'est un discours rationnel plutôt qu'un discours émotionnel. L'approche des auteurs consiste alors à utiliser la préconception du rationnel et de l'émotionnel de ChatGPT sans la remettre en cause.

Les auteurs disent avoir vérifié les résultats :

Nous avons par ailleurs vérifié manuellement cette classification sur un sous-échantillon.

Une vraie annotation humaine aurait permis d'avoir une métrique sur la capacité de ChatGPT à bien classer les énoncés.

Cette approche est fondamentalement non reproductible puisque rien ne nous garantit que ChatGPT renverra les mêmes résultats dans quelques mois (le modèle évolue tout le temps).

L'analyse pose aussi question sur le fond. Elle présuppose que le « rationnel » serait supérieur à l' « émotionnel », que le rationnel permettrait de convaincre et débattre alors que l'émotionnel ne ferait que monter la « fièvre » .

Le contexte politique n'est pas non plus mobilisé. On pourrait à minima évoquer l'hypothèse que la colère des députés s'explique par la pratique du gouvernement (usage massif du 49.3) ou des réformes particulièrement contestées (exemple de la réforme des retraites).

Pour les émotions, c'est le même problème. La tristesse, la colère, la joie et la peur ne sont même pas définies.

La baisse de la colère du RN n'est pas remise dans son contexte :

si près de 50 % des interventions du RN étaient des discours de colère au début de la législature de 2017, avec quelques députés dont Marine Le Pen, la fièvre colérique a enregistré une baisse de 20 points de pourcentage sur la période, pour s’établir à 30 % en 2024

Il paraît pourtant évident que le groupe RN a obtenu des lois beaucoup plus favorables depuis 2022 (loi immigration de 2023 par exemple).

La polarisation est à peine définie.

Pour répondre à cette question, nous mesurons l’évolution de la polarisation dans les discours des partis politiques depuis 2007, à partir d’une méthode basée sur les représentations vectorielles de textes. Un indice plus élevé de polarisation désigne l’augmentation des différences dans les thématiques abordées (de quoi ils parlent) et les styles (comment ils en parlent) des partis politiques au fil du temps.

Les données sur la durée des interventions paraissent moins sujettes à caution (voir la figure 9).

La baisse la plus spectaculaire de la durée des interventions concerne les députés de la France insoumise. Lors de la Chambre de 2012-2017, les députés LFI étaient ceux dont les discours étaient les plus longs, et de loin, par rapport aux autres groupes. La première rupture brutale a lieu avec la première génération de députés LFI arrivés en 2017 : la durée des interventions baisse de 35 %. Puis la deuxième forte baisse se produit en 2022, et se poursuit jusqu’à ce que LFI devienne le parti aux interventions les plus courtes.

En revanche, l'interprétation me semble simpliste et se concentre sur l'hypothèse que les députés LFI cherchent à faire des prises pour mobiliser leurs followers plutôt que de convaincre leurs pairs.

Par ailleurs, ce comportement est interprété comme délétère alors qu'on pourrait très bien défendre l'idée qu'il est pertinent d'intéresser le grand public aux débats parlementaires via la rediffusion sur les réseaux sociaux.

Les auteurs affirment même que « la colère semble avant tout surjouée bien plus que sincère. » Évidemment il n'y a aucune évidence empirique qui permette d' appuyer cette affirmation. Comment montrer que la colère serait surjouée ?

La conclusion est jouée d'avance.

Nos sociétés post-industrielles sont des sociétés d’individus isolés, où les émotions et en particulier de la colère, jouent un rôle plus important que les idéologies ou les classes sociales dans la détermination du vote. La très grande force des élus populistes est d’avoir saisi ce moment de bascule historique avec le sacre de l’électeur émotionnel.

L'article se termine par une digression sur le catch et la boxe chez Roland Barthes et un rapprochement avec la catchisation de la vie politique par Trump. Sous- texte : le comportement de LFI serait trumpiste.

Les économistes ont tous leur biais idéologiques mais j'ai rarement vu un article aussi partisan. D'autant plus gênant que le RN est épargné et que tous les coups vont à LFI.

Dans l'interview au Monde, Algan va encore plus loin et parle de l'émergence de l'électeur émotionnel :

Ce phénomène est très concomitant avec l’émergence de « l’électeur émotionnel », qui vote davantage en fonction de ses émotions que de sa classe sociale ou de son appartenance idéologique

C'est un peu comme si les gens étaient devenus spontanément « émotionnels » sans que l'on puisse avoir une explication sociologique à cela.

Je trouve cette science sociale au rabais très dangereuse. Il y a l'illusion de la démarche scientifique et les oripeaux de la science (prix du meilleur jeune économiste, publication au CEPREMAP, titre de professeur) mais derrière il n'y a aucune rigueur.

LLMs

J'avais jamais vu ça comme ça mais c'est assez clair :

LLMs are a near-perfect rentier technology. The cost of training them to the point where they're even marginally useful is so prohibitive that only people with very deep pockets can do it. The goal then is to make us all reliant on them, by shoehorning them into as many products as possible.

C'est d'autant plus vrai que ça repose largement sur l'appropriation du travail d'autrui et le non-respect du droit des autrices et des auteurs.

Carto

Via Joe Davies, je découvre le projet City roads qui fait des cartes de villes uniquement à partir du tracé des routes.

PAC – @pac@mastodon.social

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